Ciels de Wajdi Mouawad aux Ateliers Berthiers.
Wajdi Mouawad est l’un des dramaturges incontournables de cette saison parisienne. Après avoir présenté Littoral au Théâtre 71 à Malakoff en février, il met en scène une autre de ses pièces, Ciels, aux Ateliers Berthier. Un beau moment de théâtre dont l'intérêt ne réside pas tant dans la pensée appliquée à la guerre que dans son traitement dramaturgique.
On peut être irrité par les textes de Wajdi Mouawad. Dans
son quatuor avignonnais Littoral, Incendie, Forêt et Ciels, le
dramaturge n’hésite pas à aborder les grands questionnements fondamentaux que
sont la guerre, la mort, le bonheur, sans apporter de réelle conception
innovante. Et il enfonce encore des portes ouvertes lorsqu’il montre dans Ciels qu’une œuvre d’art peut être une
arme puissante. Et de fait, le message codé de l’attentat sera à chercher dans
l’une des toiles du Tintoret. On
conviendra que Wajdi Mouawad n’a rien inventé… Un Baudelaire, un Rimbaud ont
montré avant lui que la beauté peut être fascinante et destructrice à la fois.
Non, Wajdi Mouawad n’est pas philosophe, mais il prouve dans ce spectacle qu’il
est un grand dramaturge et scénographe.
Pour Ciels, la salle des ateliers Berthier a été totalement transformée. Le public est invité à entrer dans un espace clos tout blanc où sont disposés des tabourets pivotants. Lorsque les portes se referment sur lui, le spectateur est entouré d’écrans vidéo qui le surplombent et qui se lèvent alternativement pour faire place à des espaces de jeu exigus qui figurent les chambres des personnages et leur lieu de travail. Il faut donc donner de sa personne pour assister à ce spectacle. A l’inconfort des tabourets sur lesquels on tourne pour regarder les scènes qui se jouent alentour, s’ajoute l’étourdissement que provoque la profusion des images et des bruits. On est dominé par le son tournant des messages codés que les terroristes s’échangent par téléphone en plusieurs langues. La menace est partout sans être jamais identifiable comme l’est, pour beaucoup d’occidentaux, le risque d’une catastrophe terroriste depuis le 11 septembre 2001.
Mais la haine entre les peuples n’est pas si récente, ce que souligne la projection d’une séquence vidéo. Les images des trains partant vers les camps de concentration, des obus tombant sur les villes du Moyen-Orient sont d’abord montrées en plan large puis se resserrent par zoom avant et semblent nous écraser sous le poids de leur réalité. La jeunesse a de quoi se rebeller face à tant d’atrocités, voilà le triste constat auquel arrive la pièce. Il s’agit pour les terroristes de tuer la génération des pères, ces bourreaux qui ont volé tout ce que la vie a de créatif et fertile : la poésie et la peinture que l’on a étouffées sous le bruit des bombes. Un tableau sombre sur notre époque auquel l’inventivité scénographique et dramaturgique de Ciels sert pourtant de contre-point. Un spectacle à voir.
Lou Grézillier.
Ciels, texte et mise en scène de Wajdi Mouawad. Théâtre de l’Odéon
– Ateliers Berthier jusqu’au 10 avril. Du mardi au samedi à 20h, le dimanche à
15h, relâche le lundi. Durée : 2h30. De 12 euros à 32 euros.
Réservations : 01.44.85.40.40.