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Critiques de théâtre
9 janvier 2011

Ithaque de Botho Strauss avec Charles Berling

Il fallait un Botho Strauss pour rendre le caractère intemporel des aventures d'Ulysse revenant à Ithaque. Pas de réflexion infinie sur la portée du mythe comme pourrait en livrer Heiner Müller. Chez Botho Strauss, le verbe est simple et efficace. Cette grande clarté rend ses choix d'écriture limpides et le plaisir du dramaturge est entièrement partagé par le public qui reconnaît tantôt le désir de transposer simplement à la scène les paroles de l'aède Homère, tantôt une volonté de détourner les codes du mythe : dans Ithaque, Pénélope est une obèse somnolente, Télémaque un jeune éphèbe gracile et trouillard.
Un grand texte pour un grand metteur en scène. Jean-Louis Martinelli, le directeur des Amandiers, a parfaitement rendu l'esprit du texte faisant de son spectacle un savant mélange de fidélité à Homère et d'adaptations modernes. Dans un décor de colonnes et de béton, se croisent des combattants torse nu, un choeur de femmes mi-vestales, mi-érinyes,  tous tirés de l'iconographie antique, et des personnages qui nous sont plus familiers : Athéna avec ses cheveux blonds, sa poitrine gonflée et son pantalon blanc moulant rappelle Uma Thurman dans Kill Bill ; Ulysse arrivant sur les côtes d'Ithaque a tout du "Rebelle" avec ses cheveux descendant dans la nuque et son pantalon de cuir rouge. Beaucoup d'auto-dérision donc face à ce mythe et c'est sans doute la grande intelligence de jeu de Charles Berling et de Ronit Elkabetz qui en rend compte le mieux. Tous deux portent un regard amusé sur leurs poussiéreux personnages, vieux de plus de 2000 ans, et envers lesquels ils éprouvent pourtant une grande tendresse.
Lors de la première, tout le gratin culturel parisien était présent dans la salle. Le ministre de la Culture est sorti sans attendre la fin des applaudissements. Il faut espérer qu'il se soit précipité dans les loges pour féliciter les comédiens. Le reste du public, un peu assommé par la dernière demi-heure de texte, inutile et ennuyeuse, a lui, chaleureusement applaudi les nombreux comédiens de ce beau spectacle.

Jusqu'au 12 février au Théâtre des Amandiers de Nanterre. Durée : 3h20

Lou Grézillier.

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