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Critiques de théâtre
8 novembre 2009

Philoctète de Heiner Müller. Mise en scène Jean Jourdheuil. Au Théâtre des Abesses du 5 au 21 novembre.

Philoctète

Heiner Müller

Mise en scène Jean Jourdheuil


La redécouverte d’un damnéphiloctete

Après le Philoctète de J-P Siméon avec Laurent Terzieff, cette saison théâtrale nous fait découvrir ou redécouvrir ce héros grec, sans doute peu connu du répertoire tragique. L’ancien compagnon des Grecs, blessé au combat et abandonné sur une île hostile, est désigné comme celui qui permettra de remporter la victoire contre Troie, grâce à ses armes invincibles. Encore faut-il qu’Ulysse parvienne à le ramener avec lui. Mais la haine de Philoctète contre ceux qui l’ont abandonné est tenace. Il s’agit donc pour l’un de convaincre (ou plutôt, pour l’homme aux mille ruses qu’est Ulysse, de laisser convaincre le blessé par le jeune Néoptélème dont Philoctète ne se méfie pas). Il s’agit pour l’autre de refuser avec ténacité et de s’en tenir au blâme.

 

La poésie d’Heiner Müller

Il n’en fallait pas plus à Heïner Müller pour se saisir de la tragédie de Sophocle et offrir un palimpseste où la force rhétorique a toute sa place. Maurice Bénichou qui interprète Philoctète nous fait entendre les magnifiques vers écrits par le dramaturge allemand et remarquablement traduits par son ancien ami, Jean Jourdheuil. Les mots résonnent dans toute leur modernité et leur puissance. Philoctète, seul sur son rocher, ou recroquevillé dans la grotte qu’il s’est construite : l’image est saisissante, pitoyable et tragique.

 

Maurice Bénichou, bien seul

Une structure, couleur d’eau et de ciel, tient le milieu de la scène. Au-dessus de ce  rocher, il y a les vautours qui menacent la vie du prisonnier affamé. Ces charognes sont figurées par des lumières fragiles, dont le choix ne semble pas être pleinement assumé. Autour du rocher se tiennent Ulysse et Néoptélème interprétés, l’un sans conviction, l’autre avec fadeur ;  de bien pâles héros qui ne peuvent tenir tête à la bête puante, en colère, puissante qu’est devenu Philoctète. Le jeu de Maurice Bénichou nous fait croire à cette violence animale du personnage. Il fascine, et on pardonnera à l’acteur quelques baisses d’énergie au cours de ses longues répliques. Seul sur son île, le comédien doit se sentir bien seul.

Lou Grézillier.

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