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Critiques de théâtre
30 novembre 2010

Amphitryon de Kleist. Mise en scène Bernard Sobel à la MC 93

Moins connue que l’adaptation du mythe de Molière, l’Amphitryon de Kleist, auteur phare du Romantisme allemand est néanmoins une pièce précieuse. Le metteur en scène, Bernard Sobel, nous en propose sa lecture à la MC 93 de Bobigny.

Qui est Amphitryon si un autre que lui dit porter le même nom, assumer ses fonctions de général et jouir de ses privilèges auprès de sa femme ? La pièce mise en scène par Bernard Sobel se concentre dans la première partie sur cette question du double et de l’identité. Ce thème est dominant, il est vrai, dans la pièce et a sans doute motivé l’intérêt que lui ont porté Plaute, Molière et Kleist qui ont chacun écrit une version de la pièce.

A l’ouverture du rideau, le plateau est plongé dans la pénombre. Une toile, en fond de scène, représente des arbres auxquels se confondent leurs propres ombres. Tout est dédoublé, rien n’est clair. Cette scénographie semble excuser la jeune Alcmène qui a accueilli Zeus dans sa couche pensant qu’il s’agissait de son mari et qui sera bientôt enceinte de son fils, le héros Hercule. Mais Bernard Sobel s’amuse aussi : Alcmène est une victime, certes, mais à la fois la grande gagnante de cette aventure tant le plaisir sexuel que lui a fait connaître Zeus est une heureuse découverte pour elle. La jolie Aurore Paris, avec son allure de jeune première ingénue, semble parfois comme traversée du souvenir voluptueux de sa nuit avec Zeus. Son corps semble soudain plus incarnée. On ne peut que sourire.

Si le thème du double est un thème éminemment romantique, il en est un autre qu’affectionne particulièrement Kleist : le rêve. Ne plus savoir ce qui s’est passé, douter de la réalité, la confondre avec le rêve, voilà les questions sur lesquelles reviennent incessamment les personnages du Prince de Hambourg et Amphitryon leur fait écho. La deuxième partie de la pièce est à ce titre intéressante, laissant apparaître une structure rotative que l’on a peine à identifier et qui pourrait représenter l’entrelacement des désirs et affects qui fondent notre inconscient et donc notre identité. Dressée devant, l’entrée de la maison d’Amphitryon ressemble à un temple romain. Les surréalistes nous ont enseigné la grammaire des symboles oniriques, y indexant le temple. Entrer dans la maison, symbole féminin, comme le font librement Zeus et Mercure, c’est se donner le droit de jouir d’Alcmène. Mais le jeu des comédiens dans la deuxième partie semble comme déconnecté de l’univers onirique représenté sur scène. Amphitryon n’est plus le somnambule hagard que l’on avait découvert d’abord. Il hurle et se tourne vers un public éclairé en pleins feux et censé figurer le peuple. Voilà que nous recommençons à sourire mais de dépit cette fois devant une scène qui manifestement ne fonctionne pas. Joue-t-on un rêve éveillé ou une simple scène de colère virile ? Cette seconde partie qui semblait pourtant prometteuse au regard de la scénographie déçoit. Thomas Mann disait qu’Amphitryon était pour lui de « la plus belle pièce du monde ». Ce spectacle, en demi-teinte nous fait adhérer à son jugement, en partie seulement.

Au théâtre MC93 jusqu’au 3 décembre. Durée : 2h20. Réservations : 01.41.60.72.72. De 9 à 25 euros.

 

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Commentaires
S
Quelle critique intéressante! Tu m'épates chaque fois... J'adore.
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