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Critiques de théâtre
20 novembre 2010

Caligula de Camus. Mise en scène Stéphane Olivié Bisson. Avec Bruno Putzulu.

En choisissant la version de 1942 de Caligula, Stéphane Olivié Bisson a ôté la dimension de satire politique qu’on a pu voir dans cette pièce dont la version la plus connue est apparue pendant la deuxième guerre mondiale. Le metteur en scène et son acteur Bruno Putzulu placent le questionnement ontologique et existentiel au cœur du spectacle. Une belle idée.

 

L’année dernière était célébré l’anniversaire de mort d’Albert Camus. Cette commémoration nous avait permis de voir Les Justes de Nordey avec Emmanuelle Béart dans le rôle Dora. On se souvient d’une pièce intéressante mais statique, laissant le spectateur sans grille de lecture pour aborder le texte. Le Caligula mis en scène par Stéphane Olivié Bisson fait, pour sa part, pleinement entendre la prose de Camus. Bruno Putzulu qui interprète le rôle titre prononce chaque phrase avec intelligence. Il faut aller assister à ce spectacle pour se rendre compte de l’écoute absolue du public. Certains découvrent le personnage : un empereur en quête d’absolu qui ne peut se résoudre à accepter l’absurdité de l’existence. Les autres croyaient connaître le texte mais l’entendent sans doute pour la première fois : Caligula n’est pas le fou sadique qu’on a présenté parfois. La raison elle-même semble voler en éclat dans l’univers sur lequel l’empereur ouvre les yeux. Il n’y a plus de mal ni de bien, plus de justice ou d’injustice. Cette complexité du monde se reflète dans le déchirement intérieur éprouvé par Caligula. Cruel, il est aussi résolument nostalgique de son passé avec Drusilla, sa jeune sœur dont le décès marque le début de sa crise existentielle. Aussi Stéphane Olivié Bisson a–t-il souligné la part sensible du noir personnage en ajoutant trois scènes au texte dans lesquelles il donne la parole à Drusilla pour faire de son absence un souvenir omniprésent. Ce choix risque, il est vrai, d’appauvrir le texte qui est riche des ambiguïtés du caractère de Caligula. Mais on ne peut que louer l’éclairage apporté sur un texte réputé bavard et trop dense.

 

Refus de la gravité

Le texte mis en bouche, coulant sans heurt, les comédiens oublient parfois de donner à voir l’effort de réflexion des personnages que l’on voit penser leur existence individuelle et collective. Socrate parlait d’une maïeutique de la philosophie, comparant la réflexion à un accouchement. Voilà qui est bien absent du jeu de Bruno Putzulu. on ne voit pas en son Caligula celui dont Cherea reconnaît qu’il « force tout le monde à penser » . Cherea, justement, est le seul personnage interprété avec la gravité qui sied à cette œuvre. On aurait donc aimé que cette ligne de basse imaginaire soit le fondement des variations que produit par ailleurs Putzulu avec virtuosité, passant d’un registre pathétique à un registre comique pour mieux donner à voir la désorientation du personnage.

Malgré cette petite déception, on ressort finalement content de cette pièce, avec le sentiment d’avoir eu un accès privilégié à l’œuvre. Voilà qui aurait sans doute contenté un auteur, attaché à la démocratisation de ses œuvres.

 

Lou Grézillier.

Créé au théâtre de Colombes début novembre puis en tournée dans toute la France. Bientôt au Théâtre de l'Athénée à Paris.

 

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