Notre terreur, au théâtre de la Colline
La politique est un savant mélange d'actes et de caractères particuliers, et la Terreur est une période passionnante à ces deux points de vue. Les rebondissements sanglants ne manquent malheureusement pas et les figures des douze membres du Comité du salut public, dont le plus connu est Robespierre, sont à la fois sulfureuses et attachantes. Voir Carnot engueuler Prieur parce qu'il n'a pas transmis les informations militaires, voir Saint-Just sauter au cou de Billaud tout simplement parce qu'ils ne semblent pouvoir se supporter plus de deux minutes, est délicieux. La politique prend des traits humains et c'est toujours une réussite lorsque le théâtre parvient à établir cette transposition.
Le risque du théâtre historique et politique est de nous donner à voir une leçon, didactique et soporifique à souhait. Les 9 comédiens pèchent, il est vrai, par excès de détails (leur travail est manifestement parfaitement documenté) : sont cités en vrac les chiffres des victimes militaires, les noms donnés aux mesures économiques et sociales... Mais la position bi-frontale du public permet à ce dernier de participer aux débats que mène le Comité du salut public autour d'une longue table rectangulaire. Et bientôt la passion des rapports entre ces hommes qui s'estiment mais se déchirent est rendue plus forte que les événements eux-mêmes.
Le quotidien politique de ces figures historiques incarnées par d'excellents comédiens suffisait. Il aurait fallu s'en tenir là. Resserrer le propos autour des réflexions de Robespierre courant à sa perte teinte le spectacle de pathos pompeux. Arrivent alors la sempiternelle peinture que les acteurs font couler sur leurs corps, la musique (Léo-Antonin Lutinier, par ailleurs très bon en Carnot, chante terriblement faux sa partie de contre-ténor) : aspects dont se pare régulièrement le théâtre contemporain. La compagnie d'ores et déjà a des qualités indéniables, qu'elle les exploite et ne tombe pas dans les stéréotypes malheureux.