Casimir et Caroline d'Odön von Horvath, mis en scène par Emmanuel Demarcy-Mota au Théâtre de la ville
En 2009, Emmanuel Demarcy-Mota avait inauguré la direction du Théâtre de la Ville avec Casimir et Caroline. Il reprend la pièce aujourd'hui, avec, dans le rôle titre féminin, non plus Sylvie Testud mais Elodie Bouchez. Qu'importe l'interprétation, au fond : le texte est décevant.
Amourette et pièce historique
Casimir et Caroline. Leurs amours sont au cœur de l’intrigue, mais cette idylle révèle aussi l’arrière plan économique de l’entre-deux guerres, quelques années seulement après le krach de 1929. Chômage, désillusion, pauvreté rivalisent avec amourettes et séparations. Mais Caroline ne veut pas entendre parler de politique, elle le dit dans la pièce, et ce qui aurait pu être une réflexion économique (en écho à la crise que nous connaissons) est une suite de suggestions vagues sur la relation entre les préoccupations personnelles d’un couple et la grande Histoire. De fait, c’est au moment où Casimir perd son emploi que Caroline décide de le quitter ; et c’est au moment où la faillite menace le monde que les peuples sombrent dans la folie. Mais Caroline ne veut pas entendre parler de politique… c’est dommage.
Génération en crise
Une atmosphère de folie règne donc sur la scène. De jeunes gens s’amusent à la foire, ou à la fête de la bière mais leurs rires sonnent faux. Des cris de joie aux hurlements belliqueux, il n’y a qu’un pas. On joue à se faire peur dans le grand huit, on admire et on rejette les monstrueuses siamoises ou femmes à barbe présentées sur les tréteaux de la foire. La scénographie d’Emmanuel Demarcy-Mota repose sur la même ambiguïté : il suffit d’un simple effet de lumière réfléchissant des fils de fer barbelés sur la toile de fond pour que les ombres tendues de cette jeunesse munichoise, pleine d’énergie, annoncent les prisonniers des camps de concentration à venir.
Les Jambes d'Elodie Bouchez
Mais cette ambiguïté ne suffit pas à construire un propos. La multiplication des chansons à boire et les échanges abscons des amis de Casimir et Caroline lassent le spectateur qui a compris le propos pessimiste et inquiet dès les premières minutes de la pièce. Et l’on s’ennuie vite. Restent les jambes d’Elodie Bouchez. La comédienne gesticule sur ses hauts talons, superbe, mais ne peut donner plus de teneur à un texte qui a certes des qualités poétiques mais qui manque de rythme dramaturgique. Horvath est remis au goût du jour sur les scènes françaises. Doit-on s’en réjouir ?
Lou Grézillier.