Deux voix de P.Pasolini et C.Herkströter au Théâtre des Amandiers de Nanterre jusqu'au 10 février
Deux voix
De Pier Paolo Pasolini et Cor Herkströter
Mise en scène Johan Simons, avec Jeroen Willems
Polyphonie arrosée
On nous annonce deux voix mais c’est en fait une polyphonie qui se fait entendre en ce moment au théâtre des Amandiers de Nanterre. Le comédien Jeroen Willems interprète tour à tour tous les convives d’un dîner bien arrosé. Et à travers eux, ce n’est pas un mais deux auteurs qui s’expriment, et non des moindres : l’écrivain italien Pier Paolo Pasolini et Cor Herkströter, l’ancien président du conseil d’administration de Shell international. Ces deux voix se mêlent pour faire état d’une société à la morale trouble où l’ultra capitalisme dirige les consciences et les choix de vie.
Habileté et maniérisme
Un intellectuel, un patron d’industrie, une vamp extravertie, autant de figures provocantes et obscènes qui disent sans ambages ce que l’on voudrait bien ignorer. Jeroen Willems ne craint pas de conduire ses personnages aux limites du soutenable : l’un vomit à moitié les mets qu’il consomme, l’autre raconte une histoire en manipulant des bouteilles placées dans son slip… Mais l’habileté évidente du comédien à passer d’un personnage à l’autre est cependant entravée par un certain maniérisme qui se retrouve dans chacune de ses interprétations.
Une voix meilleure que l’autre
Nous ne sommes donc pas pleinement emportés par le jeu, non plus que par le texte, dont on se demande parfois s’il mérite d’être mis en scène. Questionnement tout rhétorique car bien vite le spectateur fait le tri entre ce qui est le fruit d’un génie littéraire et ce qui ne l’est pas. Il trouve le simple constat sur l’économie et la société de Herkströter bien pauvre à côté des portraits au vitriol que nous offre Pasolini. Et ce n’est sans doute pas un hasard si Johan Simons devient tout à fait excellent lors de la parabole du saint et du diable car on a là du grand Pasolini et du grand théâtre.
Lou Grézillier